Ouvrir le livre de certains auteurs, c'est se retrouver à une réunion de familles, on est content de retrouver tout le monde : Que ce soit le commandant Servaz, Tomar Khan, Einar, Sarah Geringen, Assad et Carl, Sharko et Lucie : on les connait, on connait leurs visages , leurs défauts.
Nous pouvons décrire les détails de leurs appartements, leurs carrières,leurs blessures : comment Sharko a rencontré Lucie, la naissance de leurs enfants. Nous pouvons raconter "leurs vies".
Souvent, pour certains, je les (imagine?) voie se croiser au 36 quai des orfèvres, évoluer dans le couloir du 36 rue des Bastions.
Pour d'autres se sont des régions, si Olivier Norek nous emmène en Aveyron, c'est dans une vallée des pyrénées que l'auteur place ses personnages.
Rien de mieux qu'une explosion pour isoler Servaz (Martin) et Ziegler (Irène) dans le village d'Aiguesvives. Servaz n'a rien à faire là, il est suspendu mais un appel de Marianne lui demande de revenir la chercher : huit ans qu'elle a disparue. C'est en suivant le fil d'Ariane qu'elle lui a laissé, qu'il retrouve Irène (voir précédents romans).
Une psychiatre, un prêtre, des enfants, un enseignant, une mairesse, un gynécologue dans un village coupé du monde : qui va mourir en premier ?
La marque de fabrique de B.Minier : la mise en scène des meurtres : trois meurtres, trois mises en scène et des galets gravés : rond, triangle, croix, carré.
Le procureur est clair. Servaz n'est plus en fonction. C'est Irène Ziegler qui mène l'enquête, et si Servaz se trouve dans les parages, c'est par pur hasard.
Mais Servaz est une légende et dans la gendarmerie qu'Irène dirige, il ne peut s'empêcher d'intervenir, de mener son enquête, et c'est la relation Irène/Servaz que l'on retrouve, encore une fois : complice mais fortement opposée. C'est aussi la difficulté des femmes à des postes clefs qui est mis, ici en scène : Irène est à la tête d'une gendarmerie, le maire est une femme et pour le meurtrier...oups silence. Et c'est surtout la capacité et les compétences des femmes que B. Minier met en valeur (Philippe Katerine chante : " je ne veux pas de l'égalité entre hommes et femmes, je veux rester leur inférieur")
- Martin, je te rappelles que tu n'es pas là, tu ne fais pas parti de ce groupe;
- Disons que vous entendez des voix, alors.
A travers la radiographie d'une société qui part en couille de mammouth, c'est un monde malade, qui manipule, qui parait pour mieux cacher ses faiblesses, ses vices et ses envies (excellente excuse pour un excellent roman) :
- Ne trouvez vous pas étrange, mon père, que ni Jésus, ni Socrate, ni Bouddha n'aient rien écrit ?
Alors que le lien apparait entre Marianne et les meurtres, que les différents protagonistes dévoilent une autre réalité, plus dangereuse, un enfant disparait brievement et son silence fait naitre des doutes dans l'esprit des enquêteurs qui découvrent l'existence d'un jeu virtuel : "Quand les parents dorment". Rond. Carré. Croix. Carré.
Si le rythme était deja digne d'un marathon, nous voilà, propulsé, et ce, sans entrainement dans le grand marathon de New York : on court, le souffle coupé, les jambes en coton mais pas le temps de s'arrêter, pas le temps de se retourner sur cette présence que l'on sent, que l'on sait sans pouvoir la nommer.
Comme un bouquin de Thilliez, Chattam, nous ne sortons pas indemnes d'une lecture de B.Minier. Que s'est-il passé pour que, même dans les régions, les plus reculées, le mal soit là ? Qu'avons nous fait de nos enfants ?
"On hygienisait la pensée"
Mais où est Julian Hirtmann ?
L'univers de Bernard Minier :
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