Un peu facile de faire un post sur les sorties littéraires attendues. C'est clair qu'après la pépite :"le bal des folles" et ce, malgré la résonance à "La salle de bal", nous l'attendions au détour du chemin, Victoria Mas et elle a fait fort, très fort.
Une deuxième pépite ? Peut-être. La connerie reste que j'ai embrayé sur ce livre, juste après avoir lu le dernier mot, de la dernière phrase, du dernier chapitre de : "L'homme peuplé" de Franck Bouysse.
Et Franck Bouysse, tu ne peux pas lutter.
Lorsque je commence à livre, je pars. Je décompose les mots et je crée les paysages : L'Ile de Batz, j'y met les embruns et l'odeur de la mer, j'ajoute le froid du vent et le gris-bleu du ciel. Et je pose les personnages à qui je donne des traits physiques dont j'entends le froissement de la robe pour soeur Anne, la beauté d'Isaac, le regard d' Hugo. Et puis l'auteur me pousse dans le dos, impulse le mouvement.
Sauf que je me suis hyper ennuyée. Le prologue plombe l'ambiance, les personnages sans vraiment d'interactions entre eux, insulaires sur une même ile. Il y a un tas de gens sur cette île : Hugo, Isaac, Maden, La famille Bourdieu, et pourtant toutes ces vies ne font que se frôler, sans vraiment se croiser. Soeur Anne débarque de Paris, dans sa volonté d'être l'actrice d'un miracle, de voir cette Vierge si, trop vénérée (?). Sa vie, sa dévotion fait qu'elle mérite ce miracle. Victoria Mas brode avec minutie à chacun, une vie ou simplement une description détaillée d'un caractère. Elle pose des marqueurs, la trame d'une broderie qu'elle va pouvoir travailler point par point, pendant que nous cherchons, par dessus son épaule, à découvrir la finalité de ces points posés.
J'insiste et je reviens sur ces habitants insulaires qui se côtoient sans se connaitre, jusqu'à créer pourtant une masse qui s'agglutine, en foule, près de l'autel de la Vierge. L'individu fait partie d'un tout. Beaucoup de chroniques évoque l'axe de la religion et néglige l'axe de l'univers, abordé en filigrane, via Hugo. Nous sommes infimes dans un tout. La foule n'est pas là pour prier, et l'envie a remplacé la dévotion.
Une écriture fine, délectable, raffinée, sophistiquée
Texte médiumnique, mystérieux et la volonté de gratter, un peu, si je voulais atteindre le sang, sens, essence de l'histoire. Et là, le talent de l'auteur éclate en pleine gueule dans l'aboutissement au miracle. Ouais, je suis exaltée, mais pas comme Soeur Anne. Un miracle il faut pouvoir savoir l'accepter. Alors qu'il se produit, qu'il se déroule sous ses yeux, c'est la frustration et la jalousie qui habite Soeur Anne. Et elle ne voie rien de ce qui Est.
Si brusquement en milieu de livre (non, en fait à la fin), je m'aperçois que j'ai plongé, que je ressens cette sensation lorsque vous êtes dans une petite église de campagne froide et que brusquement les rayons de soleil éclairent l'habitacle à travers un énorme vitrail que vous n'aviez même pas vu en entrant. Tu suis ?
Victoria Mas pose ici, ce que je nomme la Boussole sociale, le ressenti à un moment T ne sera pas le même à un autre. (cf :" Une prière pour Owen" de John Irving). Si le texte peut sembler fortement axé sur la religion, et la relation de nos jours à la religion. Cette (ces ?) religions qui ont su rassembler les hommes et qui les séparent aujourd'hui.
Voilà, je suis amoureux(se) pour une raison, elle a su, comme F.Bouysse, F.Thilliez introduire des codes littéraires.
Une histoire savamment écrite et dirigée, pas facile d'accès, voulu, je pense par l'auteur qui pour moi, cherche avec ce deuxième opus à fidéliser son lectorat comme les Thilliezmania et j'adhère à tous ses labyrinthes.
Photo : Babelio (j'ai emprunté mon exemplaire en médiathèque)
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